Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon

La destruction des Juifs d'Europe (Folio Histoire 1988).

Raul Hilberg

Présentation de l'auteur : voir "La politique de la mémoire" du même auteur.

Ce livre, de 2 tomes pour un total de plus de 1000 pages imprimées très fin, est le résultat d'une étude qui fut le but de la vie de l'auteur. Elle fut contestée par d'autres auteurs juifs qui lui reprochèrent de décrire plus ce qui fut fait par les bourreaux que ce que fut la douleur des juifs. Voir : "La politique de la mémoire". L'œuvre de R.H. est un travail d'historien. Il étudie effectivement plus les actes des responsables que les sentiments des victimes. La lecture du livre n'en est que plus saisissante.

Le livre décrit en premier lieu la montée en puissance de l'antisémitisme en Allemagne et la politique de spoliation systématique. Il décrit l'organisation des commandos de tueurs qui opérèrent en Pologne et en Russie, et qui tuèrent plus de 2 millions de juifs, puis l'organisation de la déportation de prés de 4 millions de juifs vers les camps d'extermination.

Il compare parfois ce qui s'est passé en France avec ce qui s'est passé dans les autres pays d'Europe.

Extraits concernant la France

Page 549

"Le premier convoi quitterait Bordeaux le 13 juillet 1942. Les transports suivants partiraient à 2 jours d'intervalle, Bordeaux encore, Angers, Rouen, Chalon sur Marne, Nancy et Orléans. Suivrait ensuite Paris."

Note : Mémorandum de Dannecker du 1ier juillet 1942 RF-1223.

Page 550

"Le compromis qui conférait une immunité à tous les juifs de nationalité française perturbait la stratégie de déportation allemande. Un convoi qui devait quitter Bordeaux le 15 juillet dût être annulé parce qu'on ne trouva pas 150 juifs apatrides en tout et pour tout dans la ville. Ce contre temps contraria particulièrement l'Oberstrumbannfûhrer Eichmann. Rappelant à Berlin son expert Rôthke, il réclama des explications. Le RHSA avait longuement négocié avec le ministre des Transports du Reich pour obtenir des wagons, et voilà que Paris annulait un train. Cela ne lui était encore jamais arrivé. Il ne pouvait même pas en référer au chef de la Gestapo Muller, de peur qu'on l'accuse de négligence. Ecœuré, Eichmann menaça de ne plus s'occuper des évacuations de France.

Note : Mémorandum de Röthke relatif à un entretien téléphonique avec Eichmann du 15 juillet 1942. RF-1226. Eichmann avait appelé à 19 h, le 14 juillet.

Voir aussi : Dannecker à Röthke, 21 juillet 1942, Police Israélienne 65. Témoignage devant la cour d'Eichmann, transcription du procès Eichmann, 12 juillet 1961, séance 94.

Page 551

"A Vichy, le chargé d'affaire américain Tuck protesta contre le fait qu'on séparait les enfants de leurs parents. Laval tout en réclamant, des preuves, déclara qu'il y avait encore trop de Juifs en France.

Note : Tuck au secrétaire d'Etat, 26 août 1942, Foreing Relations of the United States 1942 vol 2 pp 710-711. Voir aussi Hillel Kieval, "Legality and Resistance in Vichy France : The rescue of Jewish Children" Proceedings of the American Philosophy Society Vol 124 1980 pp 339-366.

Plus loin :

"Le chef de la police fédérale et des services de police déclara : "Nous ne pouvons pas transformer notre pays en éponge et accepter 80 ou 90% des réfugiés.

Note 141 : Harrison (ministre américain en Suisse) à Hull, 26 septembre 1942 Foreign Relations of the United States 1942 vol1 pp 470-476.

Page 556

"Lors d'une conférence du RSHA réunissant les experts des questions juives le 28 août 1942 à Berlin, on fait remarquer que la France s'était laissée distancer par rapport aux autres pays en matière de "solution finale" et que le secteur français devait rattraper son retard (note 148). Quelques jours plus tard, L'Unterstrumfûhrer Ahnert envoyait à Oberg des statiques montrant que jusqu'au 2 septembre 18000 juifs avaient été déportés de zone occupée et 9000 de zone libre, soit 27000 juifs au total. Il était prévu que les opérations s'intensifieraient en septembre, déclarait Anhert, mais les Allemands se heurteraient à une difficulté évidente, à savoir l'insistance des Français à vouloir effectuer une distinction entre les juifs français et les Juifs étrangers. Il serait sans doute nécessaire que la France annule au moins les naturalisations accordées aux Juifs après 1933. (Note 149)

Note 148 : Rôtke à Knochen et Lischka, 1 septembre 1942, RF-1228.

Note 149 : Ahnert à Oberg par l'entremise de Hagen, 3 septembre 1942, RF-1227.

NdR : Les arrestations massives de juifs français ne commencèrent que lorsque Darnand eut remplacé Bousquet. Ce dernier se réfugia toujours dernière le Maréchal qui ne donna jamais son aval à cette déportation. Darnand passa outre cet aval en janvier 1944. Malheureusement, de nombreux juifs français qui pensaient être des notables, et que cela les protégeait, ne prirent pas la précaution de se cacher.

Page 568

"En Hollande, les Allemands avaient déporté plus des trois quarts de juifs ; en France les statistiques étaient exactement inverses.