COMMISSARIAT GENERAL Paris, le Ier Février 1944.
AUX QUESTIONS JUIVES
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DIRECTION DU STATUT DES
PERSONES
ET DES AFFAIRES JURIDIQUES
LE COMMISSAIRE GENERAL AUX QUESTIONS JUIVES
A Monsieur le PREFET de la Gironde
BORDEAUX
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J'ai été amené à constater que dans nombre de cas vous avez délivré des attestations aux personnes que vous aviez cru devoir radier du registre des juifs de votre département.
Or, il s'est avéré que tous les bénéficiaires de ces attestations, se croyant une fois pour toute en règle, circulent avec comme seule preuve de leur non-appartenance à la race juive cette attestation, et même entendent réclamer certains droits.
C'est ainsi qu'il croient suffisant de présenter ladite attestation au Commissariat Général aux Questions Juives pour obtenir satisfaction. Ils se croient également dispensés d'y produire les actes civils et religieux qu'ils ont déposés dans vos services et si, par hasard, dans le temps où ils ont présenté leur requête le conjoint est déporté, leurs meubles saisis ou bien les scellés mis sur leur appartement ; ils s'en prennent au commissariat Général aux Questions Juives de la lenteur avec laquelle leur requête est examinée.
Devant ces faits, je crois donc utile de vous rappeler que le Commissariat Général aux Questions Juives est le seul organisme compétent pour connaître le statut racial des personnes sous le contrôle du Conseil d'Etat.
En conséquence, et pour qu'enfin il me soit permis de donner satisfaction aux impétrants éventuels, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre tous les dossiers, avec pièces originales, des personnes qui auraient bénéficié dans vos services d'une attestation de radiation du registre des juifs.
Vous voudrez bien également attirer l'attention de ces bénéficiaires sur le fait que si ces attestations sont valables pour certaines vérifications faites par vos services, elles sont sans valeur dans les autres cas.
Enfin, vous m'obligeriez en me transmettant, de toute urgence, le dossier de M. Raoul ARNAUD, né le 31 Octobre 1880 demeurant 33, Bd du Centre à Pessac, et celui de M. ASSE Noël, Roger, 20 rue des Girondins à CAUDRAN (Gde).
Enfin, je vous rappelle l'affaire MOCH, née LABROUSSE et ses enfants, qui ont déjà fait l'objet d'une précédente correspondance.
Pour le Commissaire Général aux Questions Juives Le Directeur du Statut des Personnes et des Affaires Juridiques
signé : illisible. Cette page est la recopie d'un document extrait du dossier
d'un jugement en date du 18/11/1949 du Tribunal Militaire Permanent de Bordeaux,
qui est une copie certifiée conforme à l'original, faite à Bordeaux, le 12- 4 -
1947. Remarques :
Ce document illustre le conflit entre le CGQJ et Maurice Papon.
On voit que Maurice Papon faisait délivrer des attestations
alors qu'il n'en avait pas le droit. Les bénéficiaires utilisaient parfois, par
ignorance, ces attestations dans des conditions qui risquaient d'être
dangereuses pour Maurice Papon. On sait que l'acrimonie de la SEC est
montée au point que, in fine, la SEC et la Gestapo ont retiré au service
des questions juives de la préfecture le registre des juifs.