Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon

La lutte FLN-MNA

L'amalgame entre la responsabilité supposée de Maurice Papon dans les violences exercées sur les Algériens en 1961, et celle dont il a été accusé dans la déportation de juifs pendant la guerre 1939-1945, nous oblige à exposer en détail la guerre civile algérienne qui opposa le FLN, Front de libération nationale, et le MNA, Mouvement nationaliste algérien.

Pendant toute la guerre d'Algérie, la lutte entre le FLN et le MNA fut féroce pour obtenir l’adhésion des Algériens travaillant en France, adhésion qui était la seule source indépendante de financement. En 1961, sachant l'indépendance acquise, le FLN, parti totalitaire, entreprit d'éliminer physiquement le MNA. Cela entraîna un déchaînement de violence en région parisienne mais aussi partout en France, où le MNA n'avait pas encore été totalement éliminé. (Voir les statistiques)

Le FLN fut créé par les éléments les plus dynamiques du MTLD - Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques - de Messali Hadj, qui créèrent d'abord le CRUA, Comité révolutionnaire d'unité et d'action, puis le FLN. Ils obtinrent ensuite l'adhésion de nombreux membres de l'ancienne OS, organisation spéciale, qui était la branche militaire du MTLD.

Dès 1955, les partisans du MNA créé par Messali avec ses derniers fidèles du MTLD, attaquèrent les membres du FLN qu'ils accusaient d'être des traîtres.

L’armée en Algérie, et la police en France, utilisèrent l’opposition FLN-MNA et, lorsque la pression devint très forte, certains groupes du MNA demandèrent la protection de l’armée ou de la police. Ainsi Bellounis, chef du dernier maquis MNA, en arriva à se battre avec des armes données par l’armée française, avant d’être tué. Devant ce dilemme, des membres du MNA se rallièrent au FLN, mais ce ne fut parfois, tout du moins en France où le MNA était né et où il était très fort, que du bout des lèvres.

Le MNA était structuré plutôt comme un parti politique, comme l'était le défunt MTLD, où tout le monde connaissait tout le monde, alors que le FLN s'érigea en une organisation clandestine et militaire hiérarchisée. La FLN se structura, en séparant les fonctions de renseignement, d'action, de propagande et de collecte des fonds, et en respectant les principes de cloisonnement nécessaires à la sécurité. Le FLN pris rapidement le dessus en Algérie en utilisant la terreur à grande échelle. Pendant la bataille d'Alger, le manque de cloisonnement du MNA fit que les parachutistes de Massu réussirent à arrêter rapidement ses membres, alors que l'arrestation des membres du FLN fut nettement plus difficile. Massu et ses parachutistes n'obtinrent des résultats contre le FLN qu'après avoir compris que le FLN bénéficiait du soutien de membres du parti communiste qui fournissaient des cachettes dans la ville européenne.

L'adhésion des travailleurs en France était capitale car leurs cotisations faisaient vivre le FLN et lui permettaient d'acheter des armes. L'impôt FLN était d'environ 8 % du salaire. En 1960 il représentait 80% du budget du FLN, les pays arabes donnant surtout des soutiens verbaux.

Le terrorisme de masse utilisé en Algérie, ne pouvait pas être utilisé en France du fait d'une présence policière plus efficace. Le combat fut plus long et méthodique, utilisant une terreur ciblée. Un individu isolé qui refusait de payer sa cotisation mensuelle au FLN, et qui persévérait, recevait du collecteur un avertissement avec une date limite. Cette date passée, son sort était aux mains de tueurs spécialisés qu'il ne connaissait pas. Cette séparation entre tueurs et collecteurs de fonds rendait difficile l'identification des tueurs qui restaient inconnus du milieu où ils opéraient. Cette méthode entraînait parfois des méprises, et des assassinats ne devenaient explicables que lorsqu'un individu ressemblant à la victime était tué quelques jours plus tard. Pour se protéger, les partisans du MNA se regroupaient par quartiers ou par hôtels. Certaines rues comprenaient des hôtels FLN et des hôtels MNA. La police effectuait des barrages la nuit sur certains axes pour les séparer et, à la fin de la guerre, pour protéger le MNA..

Le MNA a été anéanti, et la propagande du gouvernement algérien, après la guerre, n'a glorifié que le FLN. L'histoire du MNA est donc peu connue, et celle du FLN relatée par des anciens du FLN doit être relativisée, car elle a un but de propagande. Les ouvrages de ces anciens décrivent l'organisation du FLN, précisent les noms des chefs et donnent des évaluations quantitatives sur les effectifs. Ils ne donnent aucune information sur les attentats commis contre le MNA ou contre les forces de police. Les informations intéressantes sur les attentats ne proviennent que des archives de la police, des Parquets, et de l'Administration pénitentiaire.

Près de 30.000 Algériens ont été incarcérés en France de 1954 à 1962, pour des durées variées. 

Dans "Les chevaux du pouvoir", Maurice Papon donne sur l’organisation du FLN des informations très proches de celles fournies par des anciens du FLN.
© Jacques Villette, Paris 2001

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