Audiences : Des
journalistes au procès Papon
de Raphaël Lewandowski.
Produit par Yenta Production,
Le DVD est diffusé par l'association Philux
Yenta Production a produit ce film dans le but d'en vendre le droit de diffusion
à la chaîne Histoire. Un contact téléphonique nous a appris que la
chaîne Histoire avait renoncé à le diffuser, parce qu'elle avait
déjà perdu beaucoup d'argent à la diffusion des 40 émissions sur le procès.
Le film de Raphaël Lewandowski
porte, non sur le procès lui-même, mais sur les journalistes en charge de le
couvrir pour la presse écrite et la télévision. Il permet de saisir le
comportement grégaire des journalistes qui, dans leur quasi-totalité,
n'avaient aucune culture historique sur l'époque de l'occupation, et sont arrivés
à Bordeaux avec une opinion basée sur la désinformation orchestrée par les
Klarsfeld, et sur la lecture de l'acte d'accusation qui fut, on le sait
maintenant, mis en pièce au cours du procès. Ils arrivèrent donc tous
convaincus de la culpabilité de Maurice Papon et certains comprirent qu'ils
avaient été grugés lorsque la cour aborda l'examen des faits reprochés à
Maurice Papon, et saisirent le caractère artificiel et sacrificiel du procès.
Ils se lassèrent surtout lors des interruptions et des reprises. Des témoignages
de parties civiles furent jugés émouvants, mais insuffisants pour alimenter
l'actualité. Des journalistes, qui avaient essayé de créer artificiellement
l'évènement, en interrogeant des témoins avant leur audition devant la cour,
sont blâmés par leurs confrères.
En entrée, Jean-Michel Dumay explique :
"Il y a souvent un déséquilibre en début de
procès parce que la presse est alimentée par ce que l'on appelle l'acte
d'accusation de l'arrêt de renvoi, qui est l'ensemble des charges qui pèsent
sur l'accusé. Donc il y a nécessairement, malgré les qualités de notre système
judiciaire, certains défauts, et le principal défaut qu'on a du mal à éviter,
est la présomption de culpabilité. Quelqu'un qui est présenté devant les
assises avec un arrêt de renvoi de 170 pages, accusé du pire des crime, a donc
tendance à apparaître coupable."
Un peu après Yamina Zoutat (TF1), précise :
"C'est vrai que l'arrêt de renvoi est une base
pour nous. A partir de çà, on prépare ce qu'on appelle les avant sujets.
C'est pour nous une sorte de référence. Mais
finalement, après, on se retrouve dans le procès et, après tout ce qui se
passe les premiers jours, après la mise en liberté, on finit par l'oublier.
Mais moi, qui fait plus du reportage judiciaire que du compte rendu d'audience,
puisque Jean Pierre Berthet est là pour le faire, je crois que je l'ai vite
oublié même s'il en reste quelque chose.
Mais
le poids de l'acte d'accusation a pesé aussi sur les historiens cités comme témoins.
Ceux cités par le ministère public ou par les parties civiles, influencés par
l'acte d'accusation, répondirent à la question qui leur semblait posée : Maurice Papon aurait-il pu démissionner ?
Ils pensaient donc que
Maurice Papon avait effectivement participé à l'organisation de la déportation
des juifs et qu'il était poursuivi pour avoir obéi à sa hiérarchie.
Jean-Pierre Azéma affirma que :
Nul n'était obligé, à quelque rang qu'il soit, d'aller contre sa
conscience pendant l'occupation. Il y avait toujours des échappatoires de manière
à éviter la complicité de crime contre l'humanité. Interrogé après
sa déposition, René Rémond déclara : Il n'y a pas de plus grand drame
pour un pays que d'être battu et d'être occupé. Mais alors, la liberté que
le pays a perdue collectivement, c'est à chacun de la recouvrer
individuellement et de l'exercer. C'est un problème de conscience…Chacun a le
droit de sa conscience et le droit de désobéir.
S'ils avaient déposé après avoir suivi l'examen
des faits, examen qui démontra l'inanité de cet acte d'accusation, leur déposition
eût sans doute été différente.
En effet, Maurice Papon a toujours admis qu'il aurait pu démissionner, en
particulier devant le jury d'honneur, mais pour lui, cela eût été, justement,
l'échappatoire. Pour lui, il devait rester à son poste pour protéger les
administrés, quels qu'ils soient, et l'examen des faits a démontré qu'il
l'avait fait. Il devait aussi rester parce que, à cette époque, c'était les
SS qui désignaient les remplaçants, et un tel remplaçant ne l'aurait
certainement pas relayé dans son action de Résistance.
Le corps de ce film permet aussi de percevoir l'importance de la pression exercée
de l'extérieur sur le procès. Ce fut une kermesse permanente sur le parvis du
palais de justice, avec retransmission du discours de Jacques Chirac, ou énumération
des noms de toutes les victimes parties de Bordeaux.
Jean-Michel Dumay explique que si le public et les journalistes étaient intéressés par
les généralités du début du procès et par le verdict, l'examen des faits
n'a intéressé que très peu de monde. Tout cela éclaire la distanciation, que
les sociologues étrangers ont constatée, entre l'opinion publique, reprise par
la presse quotidienne et la télévision, et celle des historiens qui ont étudié
l'histoire de l'occupation et les faits à Bordeaux.
On nous montre trois femmes journalistes qui discutent, et l'une d'elles attribue
le spasme nerveux qu'a eu Maurice Papon lorsqu'il entendit annoncer qu'il était
privé de ses droits civils et familiaux en plus de ses dix ans de réclusion,
comme si cela lui importait, alors que c'était sans doute le cocasse de cette
condamnation : quels pourraient être les droits familiaux d'un prisonnier de 90
ans en centrale ? A cet âge, les seuls droits familiaux sont l'affection et le soutien de toute sa famille, et Maurice Papon ne les a
jamais perdus.
Jean-Pierre Berthet déclare qu'il avait, un moment, cru que l'on allait vers
l'acquittement, et que, même pendant que le président annonçait les réponses
aux questions posées aux jurés, il croyait encore l'acquittement possible.
Le film montre bien la pression formidable exercée par la communauté juive sur
une justice qui avait déjà subi la pression de la puissance politique. On
comprend pourquoi l'espoir de l'acquittement, qui avait hanté les journalistes
matures et Maître Varaut, fut déçu.
Laissons la conclusion à Serge Klarsfeld : Tous les verdicts sont sous
influence… c'est un rapport de forces. Il n'y a pas de justice aveugle.
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