Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon


L’homme politique

    Maurice Papon eut l’honneur d’approcher des hommes politiques de haute tenue morale et intellectuelle comme Léon Blum, Jules Moch, Pierre Mendès France et le général De Gaulle. Il s’en fit, pour son malheur, une trop haute opinion de la politique, n’y voyant que la possibilité de servir son pays, alors que de nombreux hommes politiques n’y cherchent que le pouvoir et ne pensent qu’à berner leurs concitoyens pour y arriver1.

    Jeune, il acquiert une conception humaniste de la politique. Son modèle intellectuel et moral est Léon Blum. Déjà très " battant ", il rejoint un mouvement d'étudiants socialistes dirigé par Pierre Mendès-France, et rédige de nombreux articles contre les accords de Munich. Entré dans l’administration, il se fait des amis qui partagent ses opinions et qui se tiendront très en retrait de la " Révolution nationale " du régime de Vichy, d’autant que beaucoup sont israélites.

    A Bordeaux, il entrava les persécutions contre les juifs en donnant la consigne " pas de zèle ", et s’efforça de faire rayer le plus grand nombre possible de personnes du fichier juif. Il s’engagea rapidement dans des actions de Résistance. Ces sujets sont étudiés en profondeur dans d’autres documents du site.

    Préfet, il afficha ses opinions sans ostentation mais s’attacha à servir l’Etat en appliquant ses idées humanistes. Il développa ses idées dans son essai  " L’ère des responsables ".

Ses idées politiques

    Maurice Papon a repris de nombreuses idées du général de Gaulle qu’il a admiré. Il l’a vu prendre des décisions en accord avec cette vision humaniste de la politique : résister à la barbarie nazie en 1940, et donner au drame de la guerre d’Algérie la solution politique qui seule pouvait sortir la France des hontes de cette guerre : l’autodétermination.

    En 1973, le général de Gaulle étant décédé, Maurice Papon présente sa vision du Gaullisme dans son essai : " Le Gaullisme ou la loi de l’effort ", qui est son acte de foi politique.

    Il reprend des idées qui ont guidé l’action du Général :

    " L’économie doit être au service de l’homme " ;

    " La politique est une action pour un idéal à travers les réalités ".

    Il applique ces principes à deux concepts qui furent également soutenus par Jacques Chaban Delmas, candidat aux présidentielles de 1974 :

    " La participation est un humanisme parce qu’elle relève d’un système de pensées et de valeurs fondé sur le primat de l’homme.

    La concertation est une philosophie du devenir social ; elle est aussi une méthode de conduite politique. "

    Les développements de Maurice Papon sur ces sujets étaient très en avance pour son temps. On sait que ces idées furent reprises par la Gauche, et Michel Rocard ne devrait pas contredire ce qu’a écrit Maurice Papon sur la concertation.

Son action politique

    Il fut maire de Saint-Amand-Montrond de 1971 à 1983, et député UDR puis RPR de 1968 à 1981.

    Il fut Rapporteur de la Commission des finances à l'Assemblée nationale de 1973 à 1978, puis ministre du Budget du gouvernement de Raymond Barre.

    A son entrée en politique, Gaulliste de gauche2, Maurice Papon s’inscrivit au parti gaulliste, l’UNR-UDT, alliance de l'Union Nationale pour la République et de l'Union Démocratique du Travail, où étaient beaucoup d’anciens résistants, et qui devint l'UDR, Union des Démocrates pour la République, en 1968. 

    Giscard d’Estaing étant élu, Jacques Chirac fut Premier ministre, et ne proposa pas de ministère à Maurice Papon pour qui il nourrissait déjà une vindicte.

    Maurice Papon, inscrit au RPR, accepta d’être ministre du Budget de Raymond Barre, qui viendra le soutenir à son procès. Ce dernier rendra toujours hommage à sa loyauté.

Maurice Papon et Jacques Chirac

    Jacques Chirac et Maurice Papon ont des caractères opposés. Autant le premier est communicatif et versatile3, autant le second est réservé et rigoureux4. Maurice Papon ne voyait en Jacques Chirac qu’un jeune ambitieux issu du sérail de Georges Pompidou. Alors que Maurice Papon était trésorier du parti, il démissionna en 1971 lorsque René Tomasini, fidèle entre les fidèles de Jacques Chirac, fut nommé secrétaire général de l'UDR.

    De 1978 à 1981, Jacques Chirac impulsa une véritable guérilla contre le gouvernement de Raimond Barre, et le groupe RPR de l'Assemblée refusa de voter le budget de 1980 préparé par Maurice Papon.

    Après les premières attaques contre Maurice Papon, Jacques Chirac veilla à ce que les instructions judiciaires soient toujours relancées, car cela était de bonne guerre dans sa lutte contre François Mitterrand, et était aux dépens de Maurice Papon. Sous la première cohabitation, il veilla à ce que Albin Chalandon accueille avec bienveillance les demandes des avocats des parties civiles et du CRIF visant à faire casser la première instruction, jugée trop favorable à Maurice Papon. La deuxième instruction, effectuée par le conseiller Braud, s’orientant, elle aussi, vers un non-lieu, le conseiller Braud fut muté et remplacé par un juge, Annie Léontin, très ami des parties civiles.

    A la conclusion de la deuxième instruction, l’avocat général Defos du Rau fit part de son intention de demander un non-lieu. Sur ordre de Jacques Chirac, Jacques Toubon, Garde des Sceaux, le fit remplacer par Marc Robert, qui requit le renvoi en cour d’assises.

    Maurice Papon, condamné et ayant été déchu de son appel en cassation au prétexte qu’il ne s’était pas présenté au procès, est à la prison de la Santé. Les nombreux recours en grâce présidentielle ont été rejetés, et les anciens Résistants qui ont approché Jacques Chirac sur ce sujet ont rapporté que Jacques Chirac nourrissait une telle haine à l’encontre de Maurice Papon qui ne fallait rien attendre de ce coté là.

Notes :

1 - Dans son essai " Le Gaullisme ou la loi de l’effort " Il tente de justifier sa recherche doctrinale. Il constate :

 " S’il était clair hier que Guizot interprétait la bourgeoisie possédante et Jaurès le monde du travail, que Léon Blum prolongeait les rêves jauressiens, tandis qu’Edouard Herriot caressait une France affaiblie et immobile, aujourd’hui les partitions sont moins nettes et prévaut la conquête " du pouvoir pour le pouvoir " à gauche par la tactique de l’enveloppement, au centre par les réformateurs sans réforme, à droite par un éclectisme éclairé. "

Nous constatons que les choses ne se sont pas améliorées.

2 - "Gaulliste de gauche" ! De nombreux Français de moins de 40 ans n'ont connu que l'opposition entre François Mitterrand et le général de Gaulle. Du fait que François Mitterrand a été élu Président par une majorité de gauche, ils en déduisent que le général de Gaulle était de droite : Ils ont tout faux !

Ceux qui ont soutenu le général de Gaulle étaient ceux qui se "faisaient une haute idée de la France". Ils étaient de toutes les composantes de la Nation. René Capitant, qui était un vrai socialiste, a toujours été un conseiller  très écouté par le général de Gaulle. Même s'ils ont désapprouvé la Constitution de la cinquième République, Pierre Mendès France et Jules Moch respectaient le général de Gaulle, et ce respect était réciproque.

3 - Tous ceux qui ont conseillé Jacques Chirac ont été dépités par cette versatilité. Charles Pasqua, a déclaré : "Avec Jacques Chirac, c'est toujours le dernier qui parle qui a raison !"

4 - Cela lui confère une certaine raideur qui le rend d'accès parfois difficile.

© Jacques Villette, Paris 2001