Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon

"AFFAIRE PAPON"

    Je sais de source sûre, en ma qualité de président de l’Amicale du Réseau Centurie, et ancien vice-Président de la Fédération des Amicales des Réseaux de Renseignement de la France Combattante (qui n’a accepté dans son sein que des agents dûment homologués) que M. Papon a bien été, depuis les débuts, membre de l’Amicale de Jade Amicol, du Noyautage de l’Administration publique (NAP), et a participé à l’aide apportée aux aviateurs alliés s’évadant vers l’Espagne. En 1981 dix ou onze des plus grands résistants encore en vie à cette époque avaient constitué sous l’égide du Comité d’Action de la Résistance (CAR) dont je suis également membre, un Jury d’honneur qui pendant six mois avait examiné le cas de M. Papon : ce jury n’a rien eu à reprocher à M. Papon. Au contraire ! Seul un résistant israélite avait simplement demandé que l’on ajoute à la fin du Rapport qu’il aurait été préférable que le jeune secrétaire général de Préfecture démissionne en 1942 -- alors que le Porte-parole de la France Libre, le lieutenant-colonel Tissier, avait, au nom du Général de Gaulle, demandé le 8 janvier 1942, sur les ondes de la B.B.C., aux fonctionnaires "de faire l’impossible pour préserver [leurs] postes... et continuent à disposer ainsi des armes voulues pour nous défendre "et que le même Colonel Tissier a rédigé, à la Libération, un rapport très élogieux affirmant que "l’administration à Bordeaux fut un modèle".

    A deux reprises le non-lieu a été décidé par des juges d’instruction. L’assassinat de Bousquet a fait éteindre toute accusation de "crime contre l’humanité" à son encontre. Des lobbys se sont acharnés pour qu’un fonctionnaire français de cette époque soit le bouc émissaire demandé. On dessaisit le Procureur de Bordeaux et l’on parvient à obtenir qu’une jeune juge d’instruction reprenne l’Affaire. Mais on s’est aperçu qu’une accusation de "crime contre l’humanité" était un peu outrancière : Les Alliés avaient concocté cette Loi Internationale pour le nécessaire Procès de Nuremberg. Pour des affaires, comme celle concernant le sinistre Touvier, on a demandé au Parlement français, en 1964, de faire entrer dans notre Droit la notion de ‘crime contre l’humanité" imprescriptible. Dans les Années 90 on eut alors l’idée de créer une autre notion juridique de " complicité de crimes contre l’humanité ".

    La Cour européenne des Droits de l’Homme est saisie ; mais sa lenteur (une demi décennie avant de condamner la France sur ce sujet précis) et l’âge de M. Papon (90 ans début septembre) risquent de ne pas donner à ce dernier espoir de sortir vivant de la Santé..

    Essayons à présent de trouver des arguments en faveur -au moins- du Pardon : on doit essayer de trouver des précédents historiques ; entrer en contact avec des voix "morales’ ou plus ou moins médiatiques qui puissent épauler cette action. On doit être de nouveaux Voltaire ou Zola, en faveur de la Justice

    Le sort de Monsieur Maurice Papon me préoccupe d’autant plus que, depuis plusieurs mois, j’entretiens une correspondance suivie avec lui, - je ne le connaissais pas personnellement auparavant - et je suis émerveillé de constater sa droiture, son stoïcisme et la vivacité de son intelligence à 90 ans. Il refuse toute mesure de "compassion", de miséricorde. Il persiste à réfuter avec une grande dignité, les monstrueuses imputations qui ont amené un jury et la Cour à le condamner. Il s’estime ‘prisonnier politique". Ceux qui, comme lui, ont été patriotes et respectueux des valeurs de la République, et nous, qui avons pour ces mêmes valeurs lutté dans la Résistance contre l’oppression, ne pouvons qu’être révoltés par l’inqualifiable attitude d’une justice ainsi dévoyée.

    Bouleversé par un procès tenu par acharnement, dans un climat d’hystérie médiatique, j’ai donc dû remanier la conclusion du livre de souvenirs de l’Occupation que je viens de publier (Mémoire et Destin, fin d’une adolescence en temps de guerre, Ed.Gutenberg XXlè.siècle, Paris, 2000) : j’y ai, entre autres, introduit le passage ci-après où je résume certaines de mes conclusions

    "j’ai eu le pénible devoir d’aller à Bordeaux en 1998 témoigner au procès de Monsieur Maurice Papon, accusé de complicité de crime contre l’humanité. Mon Père avait été membre d’un Réseau de Résistance et des NAP (Noyautage des administrations publiques). A plusieurs occasions, dès 1943, il avait eu à rencontrer M. Papon et à travailler avec lui dans le cadre de la Résistance. Mon Père n’était plus de ce monde lorsque la monstrueuse accusation a été notifiée à M. Papon j’avais, par devoir filial, et pour le respect de la vérité, écrit au Procureur de la République à Bordeaux. C’est ainsi que je me suis trouvé dans la fournaise d’une " Cour" bondée de vingt-six avocats de " parties civiles ", de deux procureurs, de jurés attentifs, d’une nuée de journalistes empressés et tourbillonnants. Et d’un juge peu tolérant. Et d’un accusé de quatre-vingt huit ans, fluet et digne derrière sa cage de verre blindée. Mes remarques sur la fragilité des imputations, sur l’impossibilité de prendre bien conscience des véritables conditions d’alors, et sur la bonne foi des résistants qui apportaient leur caution, n’ont réussi qu’à provoquer la hargne des avocats zélateurs désireux de faire condamner à n’importe quel prix l’abomination de la " Solution finale " des nazis.

    Ils se trompaient de cible et discréditaient, en fin de compte, une Cause qui s’était voulue sacrée. Cet épisode me laisse finalement le relent saumâtre d’une justice qui peut devenir attentatoire à la vérité et à l’équité. Je ne crois pas que le martyrologe de la communauté juive soit sorti indemne de la pénible représentation judiciaire et médiatique de Bordeaux avec toute sa clameur de haro !…

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