Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon

L'obsession de Roger A. Lhombreaud

Nous publions de larges extraits d'un texte de Roger-A. Lhombreaud. C'est un cri du cœur et une synthèse des sentiments que lui a inspirés "l'affaire Papon". Il fut des premiers Résistants de l'OCM à Bordeaux (Jacques dans la Résistance). Il est membre du bureau du CAR, Comité d'Action de la Résistance.

Il milite pour la révision du procès de Monsieur Maurice Papon, bouc émissaire

Un règlement de comptes médiatique

Une réflexion nous obsède : comment a-t-on pu aller si loin dans les accusations et la condamnation d’un homme, et, surtout, dans les efforts accumulés pour soulever, par la presse, les médias, ce degré de châtiment hystérique ? Ceux qui ont suivi le long calvaire de Monsieur Papon, se sont rendu compte que, tant d’années après les événements évoqués, il n’a été, dans le fond, que question d’un "règlement de compte", non pas tant à l’égard de la personne de Monsieur Papon que la recherche d’une mise en avant, à tout prix, d’un bouc émissaire pour "payer" les souffrances abominables des Israélites pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais le public n’a pas pu prendre la dimension du contresens ainsi proclamé, pris qu’il a été dans l’accumulation d’arguments fallacieux, de raisonnements falsifiés, d’émotions entretenues.

M. Klarsfeld et tous ceux qui ont réussi à fabriquer cette insoutenable subversion, appuyés par des forces politiciennes où se sont entremêlées vieilles rancunes et imputations électoralistes, et épaulés par une opinion dite publique, taraudée par sa mauvaise conscience et les recettes de l’intoxication émotive, ont construit cette terrible affaire pour exorciser les haïssables théories du nazisme – et, peut-être aussi, pour épauler la pérennité de l’Etat d’Israël –.

Les justifications

Depuis le début, Monsieur Maurice Papon n’a peut-être pas voulu prendre la mesure des réelles intentions de ses adversaires, et peut-être que, en présence de ces interminables et chaotiques instructions, ses Conseils ont-ils tenu à rester fermes sur le plan strictement juridique et ont pris soin de reprendre une à une les arguties des parties civiles et du Parquet, et n’ont pas, par précaution, voulu trop stigmatiser les sous-entendus de l’Affaire, les règlements de compte du passé et ses implications contemporaines

Les réexamens ?

La Cour de Cassation va se prononcer sur la conclusion de la Cour européenne des Droits de l’Homme Je ne vois guère, pour ma part, la Cour décider d’un nouveau procès : l’âge de Monsieur Papon, la durée d’une nouvelle instruction et le renouvellement d’audiences interminables font qu’une lâche facilité va être d’abord recherchée et non, la Vérité, certainement pas la vérité des gestes accomplis ou non par Monsieur Papon il y a soixante ans, ni la vérité historique tout court, résultant des multiples attitudes contradictoires de l’autorité de fait sise à Vichy et de ses rapports avec l’occupant, hic et tunc .

Des historiens

On peut redouter que les accusations imaginées contre Monsieur Papon continuent à hanter les mémoires, malgré les années qui passent. Un exemple, entre autres : la re-diffusion sur la chaîne de télévision Histoire, sur le câble et par satellites, de débats qui avaient été organisés en 1997-98 en marge du Procès de Bordeaux, et l’annonce sur cette même chaîne de la programmation prochaine d’extraits des audiences de Bordeaux ( en dépit de la règle des cinquante années) ; sous le prétexte d’une "légitime" information, ces rabâchage représentent une menace déstabilisatrice …

Je me permets de contester dans ces émissions ( comme au moment du procès) les interventions contradictoires des historiens, même s’ils sont renommés, appelés, non comme "experts " mais comme "témoins" : on n’y entend que des bribes de vérités reconstituées de bric et de broc ; les documents ( surtout ceux de l’Occupation) sont incertains, incomplets ; les témoins de l’époque ont disparu, ou sont âgés ; les chroniqueurs d’aujourd’hui ne semblent pas être à même de percevoir le climat d’alors, les situations de l’époque : bref, à Bordeaux, comme dans les émissions citées, on a bien trop souvent affaire à de véritables anachronismes, sans compter des a priori idéologiques : et, en cette occasion, des historiens portant un nom à consonance israélite n'ont été hélas ! à même de parler des faits de la période ni de ceux reprochés alors à Monsieur Papon, d’une manière équitable ou objective !

Quoi ? des lois à effet rétroactif en vue de la " complicité " d’un crime non encore défini ?

Naturellement en abordant ces questions il ne faut pas tomber dans des accusations d’antisémitisme : non seulement nous tomberions nous-mêmes sous le coup de la Loi, et commettrions l’erreur impardonnable de ne pas stigmatiser les actes atroces des Nazis.

Mais il faut tenter de revoir sereinement, par exemple, ce que l’on savait vraiment de " la Solution finale " à l‘époque précise, en territoires occupés, même si l’on travaillait dans une Préfecture : cette expression est citée – y compris par les historiens des émissions mentionnées – comme étant supposée avoir été connue alors dans ses horribles implications, ce qui n’est pas, en fait, le cas !

Si l’on admet l’ignorance des contemporains, des victimes elles-mêmes, et le silence des organisations qui à Londres, à Alger, se devaient d’avertir les populations sous la botte nazie, comment ces dernières auraient-elles pu vraiment participer aux horreurs connues dans les dernières années de la guerre ?

Dans ces conditions, comment peut-on être reconnu coupable d’une complicité d’un crime contre l’humanité, crime dont on ne connaissait pas encore l’ampleur, et qui, chose étrange dans un pays démocratique, est sanctionnée, avec effet rétroactif, et d’une manière imprescriptible, à partir de 1964 en France ?

Le Résistant

Enfin, le Tribunal de Bordeaux n’a guère voulu tenir compte du fait que Monsieur Maurice Papon a été un authentique Résistant – ce qui impliquait pour lui de très graves risques. Plusieurs témoins l’ont confirmé à ce sujet, comme on avait pu en retenir de ceux qui étaient encore en vie lors des auditions du Jury d’honneur du CAR de 1981*.

J’ai moi-même rapporté que mon Père, travaillant au sein du Réseau Marco Kléber, et des NAP , travaillait avec M. Papon et je citais fin 1942 comme début de cette coopération. Moi-même, ainsi que les Camarades qui ont témoigné dans ce sens, avons l’impression d’avoir été traités d’imposteurs sous serment.

Combat pour la Vérité et la Réhabilitation

C’est un Procès en révision qu’il importe de réclamer, comme en 1906, lorsque les jugements qui avaient condamné Alfred Dreyfus furent cassés. Mais il faut que Monsieur Papon soit encore parmi nous pour que cette rectification ait toute sa valeur.

Divers ouvrages depuis la Plaidoirie de Jean-Marc Varaut ont été publiés : La Vérité n’intéressait personne Entretiens de Maurice Papon avec Michel Bergès, L’Affaire Papon ; la contre-enquête de M. Hubert de Beaufort (contenant le beau texte de notre regretté Léon Boutbien, et celui de Jean-François Steiner) ; d’autres sont, ou vont être disponibles ; un très utile site Internet, a été réalisé, grâce aux efforts de M. Jacques Villette…

Il y a dix ans qu’une association Résistance-Vérité-Souvenir a été fondée, justement pour contribuer à servir la cause de Monsieur Papon. Il conviendrait de lui redonner vie, et de réunir dans cette structure tous ceux qui ne supportent pas les égarements de la justice, dans ce cas, comme dans des événements similaires, dans lesquels on aurait fabriqué des "procès chasse aux sorcières ". Il a été suggéré que diverses personnalités puissent accepter, avec l’accord de M. Jean Morin, de reprendre le flambeau, associées à une équipe aussi diversifiée que possible et désireuse de participer à un réexamen objectif de l’Affaire, de contribuer à faire réviser l’indigne procès : communiqués de presse, articles, élargissement du site Internet, débats avec les parties civiles et autres victimes des crimes raciaux nazis ; reprise des arguments juridi ques et judiciaires ; remise en question des différents travaux historiques portant sur la période concernée, etc. ; autant de tâches que l’Association pourrait encourager et faire entreprendre. Le lobbying ne doit pas être l’apanage des plaignants

Il s’agit d’aller au-delà même de la personne de Monsieur Maurice Papon et de participer à une plus saine analyse des situations historiques, des dérives judiciaires, et du jeu malsain de forces politiques qui interviennent dans des domaines qui ne sont pas de leur ressort.

Voilà certes l’expression de faits et d’arguments qui ne sont pas inédits certes, mais qui méritent, à mon sens, d’être repris et, peut-être, remis en perspective et utilisés en vue d’une action collective et coordonnée ? Je reste persuadé qu’en unissant nos forces et nos bonnes volontés il sera possible d’atteindre les objectifs désirés.