Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon


Le résistant

    La démonstration la plus complète de l'indigence de l'instruction, totalement à l'encontre de M. Maurice Papon, fut la mise en évidence, au procès, de la réalité de ses actions de résistance niées dans l'acte d'accusation. Le ministère public, les parties civiles et leur avocats, n'ayant pas connu l'époque, croyaient que les témoins, tous personnes âgées, ne seraient pas en mesure de venir témoigner ou ne seraient pas assez déterminés. Comment pouvaient-ils penser que ceux qui avaient connu ces épreuves et ces angoisses puissent oublier leur camarade de combat ?

    M. Maurice Papon n’avait pas encore pris ses fonctions que des résistants de Bordeaux pensaient déjà qu’il pourrait les aider. Sa position de secrétaire général de la Préfecture était particulièrement favorable à des actions de renseignement, car de nombreux fonctionnaires résistants pouvaient aller à la Préfecture sans attirer l’attention. Il était bien placé pour vérifier les informations et faire des synthèses avant de les retransmettre aux résistants en charge de les faire parvenir à Londres. Dès qu’il a été intégré dans divers réseaux, ses amis lui ont conseillé de ne pas démissionner ni de se faire muter, car cela eut interrompu la chaîne de transmission.

    Sa position à la Préfecture obligeait à un cloisonnement très strict, et le nombre de résistants à le connaître comme agent, devait rester très réduit. Ce fait et la négligence de M. Maurice Papon à faire homologuer rapidement sa résistance ont peut-être été la cause de la méconnaissance de son rôle1.     

        Des Résistants des Landes protestèrent lorsque, à la Libération, Maurice Papon fut nommé leur Préfet, mais leurs objections furent toutes rejetées, et Maurice Papon fut nommé ensuite Directeur de cabinet du Commissaire de la République Gaston Cusin. Il ne faut pas voir la fonction de Commissaire de la République comme celle d'un préfet régional qui aurait eu à rapporter à un ministre de l'Intérieur ; sa fonction était de représenter le général de Gaulle, et il avait autorité sur toutes les organisations gouvernementales : militaires, civiles et judiciaires. Il eut fort à faire pour régler les conflits entre les différentes factions de la Résistance et il prit la décision de se reporter sur son Directeur de Cabinet pour les questions d'administration. Ainsi il donna autorité à Maurice Papon sur les préfets de la région de Résistance, qui était plus large que la région définie par Vichy. Il fallait donc que Maurice Papon ait pris rang dans la hiérarchie préfectorale, ce qui fut fait par son passage par la préfecture des Landes. Il ne faut pas parler de destitution mais de promotion. Ensuite, les trois Commissaire de la République qui se succédèrent à Bordeaux soutinrent toujours Maurice Papon dans sa carrière préfectorale et ensuite devant la justice. Ils étaient décédés lors du procès.

    Le réseau Jade-Amicol

    Un de ses amis, Jean Poitevin, contacta M. Maurice Papon dès le mois de juillet 1942, et le mis en contact avec Gustave Souillac qui était l’antenne bordelaise de ce réseau de renseignement qui travaillait pour l’Intelligence Service (MI 6) et pour le BCRA. De nombreux anciens2 du réseau ont apporté au procès des témoignages irréfutables.

    Le réseau Marco-Kléber

    Courant 1943, un ami, M. Maisonneuve, qui travaillait à Vichy avec Maurice Lévy dans ce réseau, vint le rencontrer à Bordeaux et lui désigna M. Roger-Samuel Bloch comme contact ultérieur. Ce dernier viendra trois fois à Bordeaux et sera hébergé, une fois chez Maurice Papon et deux fois dans les appartements de la préfecture. R-S Bloch, le 7 juin 1944, rencontra Gaston Cusin qui allait à Bordeaux où il avait été nommé commissaire de la République par le général de Gaulle. Il lui conseilla d’utiliser Maurice Papon qui, à son avis, était le plus sûr3.

    Les actions organisées par la  résistance intérieure

    M. Maurice Papon fut amené à apporter son aide à des actions de résistance organisées localement comme l’évacuation sur l’Espagne d’aviateurs alliés abattus par le DCA allemande, ou pour aider des jeunes échapper au STO. Cela allait de la fourniture de vêtements à celle de cartes d’identité. Ces actions s’ajoutaient à celles qui avaient pour objet de permettre à des personnes inscrites sur le fichier des juifs d’avoir des cartes d’identité ne portant pas la mention " juif ".
    Ces activités étaient les plus dangereuses car elles faisaient entrer en contact avec de nombreuses personnes qui étaient certainement très dévouées, mais qui étaient parfois moins prudentes4.

    Quand Roger Landes, officier du SEO, revint à Bordeaux en mars 1944, Maurice Papon l’aida à réactiver son réseau.

  Cet exposé est simplifié, peut-être même simpliste, mais la lecture  des notes sténographiques du procès et celle des multiples témoignages de Résistants de premier plan qui étaient bien placés pour connaître la vérité, mais qui étaient souvent décédés lors du procès, montre que M. Maurice Papon a été un vrai résistant.      

    Il est difficile de comprendre comment la magistrature a suivi sur ce sujet les affirmations fantaisistes parues  dans les livres de Gérard Boulanger ou de Michel Slitinsky.

Notes :

  1. Mais j’ai connu d’anciens résistants qui, si tôt la France libérée, sont retournés à leur travail sans se faire jamais inscrire comme Résistant
  2. En particulier M. Alain Perpezat, chef du réseau Jade-Amicol, M. Maurice Travers, qui fut chargé en 1944 d’établir les listes des membres du réseau en 1944, et M. Christian Souillac, fils de Gustave.
  3. En une heure, le président a lu les témoignages, reçus par le conseiller Braud, de témoins catégoriques : Mme Geneviève Thieulieux, M. R.-S. Bloch, le chef direct de Maurice Papon dans le réseau Marco-Kléber, M. Guy de Saint Hilaire, chef fondateur du NAP, et de Gaston Cusin, commissaire de la République en 1944, tous décédés lors du procès. M. Roger Lhombreaud, qui travaillait dans un autre réseau, a témoigné que son père, qui travaillait pour le NAP, rencontrait M. Papon à la préfecture en 1943.
  4. Dans le département de l'Orne, de telles actions ont entraîné la perte du service de la Préfecture qui fournissait des cartes d'identité à la Résistance. L'utilisation des cartes dont l'origine pouvait être établie, par des aviateurs qui ne parlaient pas un mot de Français, et la prolifération de cartes utilisées par les réfractaires au S.T.O., attirèrent l'attention de la Gestapo.

Partie : Lettre au journal Sud Ouest    Lettre au garde des Sceaux   CV
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