Jacques Villette :

Pour la réhabilitation de Maurice Papon


Un scandale à quatre points de vue...

Postface de Jean-François Steiner, mars 1999.
(livre de H. de Beaufort)

    Cette contre-enquête confirme à la fois ce que je savais et ce que je pressentais, mais c’est une confirmation éclatante :

- Papon est entièrement innocent et je dirais même, encore plus innocent que je ne le pensais.
- Ce procès a été, comme je l’avais dit au cours de ma déposition, une sinistre comédie.

    C’est un scandale à un quadruple point de vue : éthique, politique, psychologique et théologique.

Au point de vue éthique:

    On condamne un innocent au nom du martyre d’autres innocents et je me sens directement concerné. L’association des fils et filles de déportés étant partie civile, c’est en mon nom que Papon a été poursuivi et condamné. Que l’on utilise la mort de mon père pour condamner un innocent, je considère, cela comme révoltant.

Au point de vue politique :

    Je pense qu’il est maladroit et dangereux, de la part de mes coreligionnaires, de s’acharner ainsi et donner l’impression que la communauté juive, tout entière, poursuit de sa vindicte un vieil homme, qui, aux yeux des Français, n’est pas plus coupable qu’un autre. La majorité des Français, qui ne connaît pas le dossier, n’était pas persuadée de l’innocence de Papon, mais pensait aussi que son " crime " ne valait pas une telle condamnation.

    Pour la majorité des Français, Papon a d’abord été imprudent ". Mais que cette imprudence lui vaille dix ans de prison, la prison à vie étant donné son âge, alors que ses chefs (à la préfecture), n’ont pas été inquiétés et que les responsables nazis ont été seulement condamnés à cinq et sept ans de prison, je pense que c’est une extraordinaire maladresse. Je crois, à l’instar de quelques membres éminents de la communauté juive que le principal résultat de ce procès sera d’augmenter l’antisémitisme. Les Grecs disaient déjà : " Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre. "

Au point de vue psychologique :

    On a beaucoup parlé, au moment du procès, du travail de deuil nécessaire pour les survivants du génocide : je pense que ce procès est beaucoup plus la manifestation d’un deuil pathologique. On a le sentiment que tous les gens qui poursuivent Maurice Papon, en dehors de ceux qui le poursuivent pour des raisons politiques, se servent de lui beaucoup plus pour nourrir leur mélancolie que pour s’en guérir.

    Je crois, d’après mon expérience personnelle, que le seul moyen de faire le deuil des victimes qui nous sont proches, c’est justement de renoncer à la vengeance, de ne plus nourrir cet esprit de vengeance. En effet, ce procès est plus un acte de vengeance qu’un acte de justice. J’ajouterai une autre perspective qui ne concerne pas seulement les juifs, mais l’ensemble des forces qui se sont déchaînées contre Maurice Papon : à travers lui, c’est l’image du père que l’on veut abattre, cette clef de voûte de l’appareil psychique des individus. Pour moi, ce procès s’inscrit dans un vaste phénomène d’éclatement de la civilisation.

Au point de vue théologique :

    Je trouve navrant qu’une grande partie de mes coreligionnaires attache plus d’importance à ce qui s’est passé à Auschwitz qu’à ce qui s’est passé au mont Sinaï où la loi nous a été donnée. Le culte d’Auschwitz qui se développe dans la communauté juive est un culte de la mort, et en ceci, il est absolument contraire à l’essence du judaïsme, religion de la vie. Le choix de la vie est d’ailleurs l’ultime commandement que Dieu prescrit aux Hébreux par la bouche de Moïse, à la veille d’entrer au pays de Canaan :

" Vois, dit-il, j’ai mis devant toi la vie et le bien, la mort et le mal, tu choisiras la vie. "

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