L'idée que les actes de Maurice Papon à Bordeaux auraient été ignorés de ceux qui ont soutenu sa carrière préfectorale est totalement fausse. La mise en synoptique de sa carrière et de celles d'anciens résistants qui eurent des responsabilités à Bordeaux avant et après la Libération, puis des responsabilités gouvernementales sous la Quatrième République, montre que les brillantes promotions de Maurice Papon furent les conséquences de la haute estime où le tenaient tous ces résistants qui étaient très sensibilisés au sort des Israélites.
Gaston Cusin est nommé Commissaire de la République dès octobre 1943. Il vient prendre ses fonction à Bordeaux et, le 6 juin 1944, à Périgueux, rencontre Roger-Samuel Bloch qui, dans le réseau Kléber, assure régulièrement la liaison avec Maurice Papon. R.-S. Bloch lui confirme que Maurice Papon est la plus sûre introduction au sein de la Préfecture. Gaston Cusin utilise Maurice Papon pour réorganiser la Résistance, et le nomme Directeur de cabinet du Commissaire de la République, avec rang de Préfet, à la Libération.
Jacques Soustelle remplace, à l'automne 44, Gaston Cusin, qui a été appelé comme secrétaire général de l'Economie nationale, et il garde Maurice Papon comme Directeur de cabinet.
Au printemps 45, Maurice Bougès-Maunoury remplace Jacques Soustelle qui devient ministre de l'Information. C'est à cette époque que l'on découvre avec horreur le sort funeste des Juifs, et que se déroulent à Bordeaux de nombreuses enquêtes sur les responsabilités des fonctionnaires. Bourgès-Maunoury maintient Maurice Papon à son poste. En octobre 45, Maurice Papon, doit être opéré de l'appendicite, puis est muté à Paris.
D'autres personnalités sont passées à Bordeaux après la Libération, comme Jacques Chaban Delmas, pour organiser la mutation de la Résistance en une armée, et René Mayer, pour étudier les problèmes de communication dus au blocus de la Gironde. Ils y apprirent que Maurice Papon avait été un vrai résistant et s'était opposé aux déportations dans la mesure de ses moyens, au risque d'exaspérer la GESTAPO.
Toutes ces personnalités étaient sympathisantes pour les juifs ou étaient juives.
Gaston Cusin était un syndicaliste des douanes qui avait travaillé lors du premier gouvernement Léon Blum au soutien des Républicains espagnols, en faisant transiter par Bordeaux les armements expédiés d'U.R.S.S. par Mourmansk. Il travaillait alors sous les ordres de Jean Moulin. Il connaissait donc bien les milieux républicains et résistants de Bordeaux, et c'est à ce titre qu'il avait été nommé là. Il avait des liens avec les hommes politiques socialistes qui furent au pouvoir au début de la Quatrième, comme Vincent Auriol et Jules Moch.
Jacques Soustelle avait rejoint Londres dès 1940. Il eut sous la Quatrième des postes importants, et fut Gouverneur général en Algérie. Par la suite, il s'opposa à l'indépendance de l'Algérie et fut un des créateurs de l'OAS en 1961.
Jacques Chaban-Delmas, Maurice Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard se connaissaient pendant leurs études à Paris, et avaient pris ensemble la décision d'entrer en Résistance en début 1943. Ils avaient beaucoup d'affection pour René Mayer qui était de la génération précédente. Ils créèrent avec lui et Henri Queuille le parti républicain radical, et radical socialiste.
René Mayer, d'origine Alsacienne et petit fils d'un Rabbin, avait commencé sa carrière au Conseil d'Etat puis était entré dans la Banque Rothschild. Il avait été administrateur de la Compagnie des chemins de fer du Nord, et avait contribué à l'organisation de la SNCF. Membre éminent de communauté israélite, il avait refusé la présidence de l'UGJF et avait rejoint l'Algérie en fin 1942. Son fils unique tomba au Champs d'honneur pendant la libération de la France en septembre 1944. En 1946, il se fit élire député radical de Constantine. Il devint par la suite Président du Conseil, et président du Conseil régional de l'Est algérien.
Jules Moch, déjà secrétaire d'Etat attaché à la Présidence du Conseil dans le gouvernement Léon Blum avant la guerre, entra en Résistance dès sa sortie de prison où il était maintenu par Vichy, et rejoignit Londres. La famille de sa soeur fut anéantie à Auschwitz. Son fils aîné André fut fusillé par les Allemands en 1944 à Grenoble.
Toute la carrière de Maurice Papon fut redevable à ces hommes politiques.
Synoptique des principales nominations de Maurice Papon:
Sa fonction : Préfet des Landes, puis Directeur de cabinet des trois Commissaires régionaux de la République
Chef du gouvernement provisoire : Aux fontions de : Général de Gaulle.
Ministre de l'Intérieur : Adrien Tixier (Résistant de la première heure)
Notes : Jean Morin était Directeur de cabinet du Ministre et Directeur du personnel. Jeanjean présidait le commission d'épuration du corps préfectoral
Sa fonction : Chargé de la sous direction de l'Algérie.
Chef du gouvernement provisoire : Général de Gaulle
Ministre de l'Intérieur : Adrien Tixier
Notes : Il est sous la direction du Directeur des affaires générales : Hass-Picard
Sa fonction : Chef de cabinet
Chef du gouvernement provisoire : Félix Gouin
Ministre de l'Intérieur : du SSE à l'Intérieur Biondi (Résistant de la première heure)
Notes : M.P. est en charge de la rédaction de la loi d'amnistie après la rébellion de Sétif et Guelma.
Sa fonction : Préfet de Corse
Président du Conseil : Léon Blum
Ministre de l'Intérieur : Edouard Depreux
:Sa fonction : Préfet de Constantine
Ministre de l'Intérieur : Henri Queille
Sa fonction : Secrétaire Général du Protectorat du Maroc.
Président du Conseil : Les affaires du protectorat du Maroc relevaient du ministère des Affaires étrangères dont Pierre Mendès-France s'était réservé le ministère. A cette époque, il suivait souvent les conseils de Jacques Soustelle.
Ministre de l'Intérieur : François Mitterrand
Notes : Intervention de René Mayer
Sa fonction :IGAME à Constantine.
Président du Conseil : Guy Mollet.
Ministre de l'Intérieur : Jean Gilbert-Jules
Notes : René Mayer est président du conseil régional. Bourgès-Maunory ministre des armées.
Sa fonction : Préfet de Police de la Seine
Président du Conseil : Félix Gaillard
Ministre de l'Intérieur : Maurice Bougès-Maunoury
Notes : Bernard Lecache, fondateur de la LICRA félicite Maurice Papon pour sa promotion.
Sa fonction : Conserve sa fonction.
Président du Conseil : Pierre Pflimlin
Ministre de l'Intérieur : Jules Moch
Notes : Maurice Papon refusa à Pierre Pflimlin la fonction de ministre Délégué général en Algérie.
Sa fonction : Conserve sa fonction
Président du Conseil : Général de Gaulle
Ministre de l'Intérieur :
Notes : Sur le conseil de Jules Moch.
Maurice Papon est resté prés de 9 ans Préfet de Police, malgré qu'il ait plusieurs fois demandé d'en être relevé. Il n'obtint sa relève qu'après le dépeçage des départements de la Seine et de la Seine-et-Oise pour la création des nouveaux départements de la ceinture de Paris en Juillet 64. Cette réorganisation entraînait à terme la disparition de la fonction de Préfet de police. Le préfet de Police de Paris, dont les fonctions sont beaucoup plus réduites que celles de l'ancien Préfet de police, est maintenant sous les ordres du Directeur de la Police nationale
Gaston Cusin, Jacques Soustelle et Maurice Bourgès-Maunoury ont été reçus en audience par le Président de la République, en juillet 88. Ils étaient accompagnés de Jean Morin, Directeur du Personnel du Ministère de l’Intérieur à la Libération et qui avait été responsable de l'Epuration de la préfectorale. Le président Mitterrand leur donna de bonnes paroles, mais se garda bien d'intervenir. On comprend pourquoi les accusateurs de Maurice Papon ont tout fait pour retarder le procès. Ils y réussirent, et aucun de ces importants témoins ne put témoigner au procès, sauf Jean Morin.
Partie : Lettre au journal Sud Ouest Le résistant CV
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